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Évaluation du risque toxicologique

symbole du nanodanger
Symbole du nanodanger
En 2010, le Woodrow Wilson Institute de Washington répertoriait près de 1000 produits contenant des nanoparticules dont environ 540 provenant des Etats-Unis, contre 240 pour le Japon et 154 pour l'Europe. Les nanotechnologies concernent actuellement principalement: les cosmétiques (cheveux, bouche, yeux, mains, peau) et les crèmes solaires avec des grands groupes cosmétiques, l'habillement où elles sont utilisées comme anti-odeurs et anti-bactériens, le matériel électroménager et même des produits alimentaires comme par exemple le sucre ou encore les produits amaigrissants à base de calcium ou de magnésium. On comprend donc l'importance d'une détermination précise et scientifique du risque toxique, s'il existe, de ces produits qui augmentent d'année en année sur le marché mondial. Cependant, on est bien loin de l'essor fabuleux des nanotechnologies que l'on nous prévoyait il y a un peu plus de 5 ans. Cette dernière phrase témoigne des difficultés que rencontre les scientifiques actuels pour statuer la toxicité de ces nouvelles technologies et qui représente un frein terrible à leur développement à plus grande échelle.

symbole du nanodanger
Symbole du nanodanger
Pour mieux comprendre ces difficultés, il faut une nouvelle fois étudier le comportement de la matière à l'échelle du nanomètre. A cette échelle, comme on l'a déjà étudié précédemment, les réactions chimiques sont beaucoup plus intenses qu'à l'échelle macroscopique (échelle de l'être humain) tout en sachant aussi qu'il y a pas moins de 10 millions de nanoparticules par litre d'oxygène. Ce chiffre permet de se rendre compte du nombre d'interactions qui se réalisent et du danger d'une potentielle toxicité. La toxicité d'un produit dépend de deux facteurs principaux: la quantité de particules et la durée d'exposition aux particules. En cela, les scientifiques sont déjà capables de répondre puisque la quantité est déjà estimée et que la durée d'exposition peut également être déterminée. Mais, ce qui bloque les scientifiques se trouve dans la réponse au problème suivant: Comment les nanoparticules traversent-elles l'organisme et quelles sont les interactions entre les molécules de l'organisme et les nanoparticules ? Tout le problème des nanotechnologies se situe là car les scientifiques n'ont toujours pas trouvé de réponses à cette question devant la complexité des réactions chimiques se produisant au contact de l'atmosphère. On dénombre deux réactions principales:

Ces deux réactions présentent donc des aspects assez paradoxaux d'où l'impossibilité pour les chercheurs d'évaluer la possible toxicologie des nanoparticules.

La plus grande prudence est donc de rigueur pour les travailleurs qui fabriquent des produits contenant des nanoparticules; pour le personnel de manutention, de nettoyage, de maintenance, et d'élimination des déchets; pour les consommateurs des produits et pour les habitants proche d'une zone de retraitement des déchets.

symbole du nanodanger
Symbole du nanodanger
Malgré ces difficultés, de nombreuses études ont été menées au quatre coins de la planète. Les Etats-Unis, connus mondialement pour les moyens accordés à la recherche et le développement, investissent plusieurs millions de dollars par an dans de grands programmes d'études destinés uniquement à l'évaluation du risque toxicologique des nanomatériaux comme par exemple le National Toxicology Program (Programme National sur la Toxicologie) ou dans des institutions d'états, elles aussi destinées au mêmes objectifs, telles que le National Institute for Occupational Safey and Health (Institut National pour la Sécurité Professionnel et la Santé). En Europe, la Commission Européenne a, elle aussi, lancé un grand programme de recherche sur les risques des nanotechnologies. Appelé Nanosafe1, il voit le jour en 2002. Depuis 2005, le programme est rentré dans la phase Nanosafe2 et les travaux continuent encore aujourd'hui. L'Union Européenne a décidé d'attribuer un budget compris entre 700 et 1000 millions d'euros pour l'ensemble de ce grand projet concernant les scientifiques et les entreprises de 7 pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, Belgique, Finlande, Slovénie). D'un autre côté des ONG (Organisation Non Gouvernementale) comme Greenpeace ont-elles aussi décidé d'essayer d'évaluer les risques pour les populations humaines mais aussi pour l'environnement. Les tests portent sur des variations de la taille, de la forme et de la composition chimique des nanoparticules. Ainsi, les scientifiques tentent d'échelonner les différents degrés de toxicité. Ces tests, réalisés sur des animaux, ne sont pas pour l'instant très favorables à un développement des nanotechnologies. Ils ont mis successivement en évidence des inflammations, des modifications du comportement cardio-vasculaire ou nerveux ou encore plus grave, un engorgement des poumons (nanopoussière), une pénétration possible des différentes membranes de l'organisme (peau, intestin, alvéoles pulmonaires, système nerveux, cerveau, sang) qui entraîne une attaque des cellules et rendrait le système immunitaire totalement inefficace à l'image du virus du SIDA. Les nanotechnologies peuvent aussi être une source de pollution pour l'environnement, leur biodégradabilité n'étant pas confirmée. Mais, en ce qui concerne les produits déjà sur le marché, ils sont jugés à priori inoffensifs pour l'organisme par un processus d'acceptation très strict que ça soit aux Etats-Unis ou en Europe. En Europe, la Commission Européenne a créé l'Agence Européenne pour l'Evaluation des Produits médicaux afin de traiter le problème de ces nouveaux traitements à base de nanotechnologies. Après avoir évalué le médicament, l'autorisation de mise sur le marché est publiée. Cependant, ces nouvelles technologies ont obligé à modifier les techniques d'évaluation et les résultats ont pu être par le passé imprécis. Aux Etats-Unis, l'Environnemental Protection Agency et la Food and Drug Administration sont encore plus attentifs que l'Europe puisque après la mise sur le marché, une surveillance ultérieure d'un grand échantillon de la population consommant le nouveau produit est observé.

Il faut savoir aussi que cela soit en Europe ou aux Etats-Unis, un nouveau médicament, après avoir été déclaré non dangereux pour la santé de l'homme mais aussi pour l'environnement doit aussi s'avérer être innovant, efficace et utile en comparaison avec les autres médicaments existant déjà sur le marché. Ce filtre supplémentaire permet donc d'éviter un peu plus un possible produit indésirable sur le marché au cas où les tests cliniques aient été défectueux.

C'est avant tout ce manque de preuves et de réponses concrètes scientifiques qui alimentent aujourd'hui les débats virulents au sujet des nanotechnologies mais aussi l'imagination parfois trop débordante des populations en posant malgré tout la question sérieuse de l'éthique.

Débats, craintes, éthique et dangers

On assiste donc actuellement à de violents affrontements entre les pros nanotechnologies et les opposants aux nanotechnologies. La question qui les oppose dépend évidemment pour la plupart d'une question de point de vue. En d'autres termes, personne ne s'oppose à une avancée des sciences et de la médecine qui pourrait permettre dans quelques temps à sauver plusieurs millions de malades à travers le monde. Seulement, certains s'opposent pour l'instant au développement des nanotechnologies tant que ces dernières ne seront pas totalement avérées inoffensives.

On distingue donc plusieurs camps et opinions dans ce vaste débat du début du XXIème. D'un côté, les ONG qui ont jugés les nanotechnologies comme étant dangereuses et devant donc être interdites. Cependant, on reproche souvent aux ONG d'être un peu trop excessive dans leurs postions et s'opposant un peu trop au développement des sciences. De l'autre côté, les grands groupes industriels ont hâte d'utiliser des produits innovants et défendent ardemment l'idée que les nanotechnologies sont sans danger pour l'homme. Ce mouvement est représenté par de puissantes organisations, réputées pour leur important lobbying auprès des dirigeants, comme par exemple la Cosmetic, Toilety and Fragance Association regroupant près de 600 grands groupes. Du côté des scientifiques et des chercheurs, on estime que la prise de risque est nécessaire et fait partie intégrante du progrès. Ils estiment donc tout à fait justifié que des recherches sur ce domaine tant prometteur continuent et même se multiplient.

Devant tous ces affrontements et ce manque de réponse de la part des scientifiques, les différents états concernés par le problème adoptent des comportements différents. Certains pays ont commencé par faire appliquer le principe de précaution qui consiste avant tout lancement définitif à attendre des preuves afin de décider donc du lancement ou de l'arrêt définitif. C'est le cas de la France ou du Royaume-Uni. Ce moratoire a été voté par les députés français en juin 2004. Mais, là où les politiques diffèrent, c'est au sujet de la communication et du débat public. Le Royaume-Uni est peut-être le pays le plus avancé sur ce point avec un débat public instauré par l'ancien premier ministre Tony Blair, en 2005, et la prise de position très marquante pour les britanniques du Prince Charles. Aux Etats-Unis, le Congrès Américain a déjà tenté de communiquer sur le sujet. Pour la petite histoire, le débat aux Etats-Unis oppose les Wom (pro nanotechnologies) aux Yuck (opposants aux nanotechnologies). En France, le débat est au point mort et le dialogue entre les différents partis totalement inexistant ce qui explique sans doute que les français soient si peu conscients et tant méfiants dès qu'il s'agit de nouvelles technologies.

Malgré une volonté interétatique d'instaurer des normes au niveau mondial (projet Reach), les états n'ont pu empêcher la diffusion des craintes liées à ces nouvelles technologies et des interrogations. Il faut signaler que les nanotechnologies apparaissent dans une époque de défiance des populations vis-à-vis de la science et des pouvoirs publics après les nombreux scandales sanitaires, médicaux ou scientifiques comme l'on pu être le problème des OGM toujours pas résolu, la vache folle, la grippe aviaire, la grippe porcine, les explosions de centrales nucléaires, l'amiante qui est par ailleurs très souvent cité par les ONG et qui comparent les nanotechnologies à des OAM (Organismes Atomiquement Modifiés).

D'un point de vue de sécurité publique, on peut craindre également une récupération de cette nouvelle science par les terroristes qui pourraient alors procéder à des attentats chimiques comme ceux à l'Anthrax à New York en 2001 (bioterrorisme).

symbole du transhumanisme
Symbole du transhumanisme
Les nanotechnologies peuvent également alimenter des courants sectaires tels que le transhumanisme qui prônent une mutation et une amélioration de l'organisme humain à l'aide des sciences afin de le rendre toujours meilleur et de créer une sorte d'homme Cyborg. Plus sérieusement, les nanotechnologies posent en effet de véritables questions d'éthique qui méritent d'être posées et débattues: Est-on prêt à accepter qu'un homme puisse être "réparé" comme s'il s'agissait d'un objet ? Peut-on cautionner de modifier l'organisme tel qu'il a été créé à la naissance ?

Tous ces questionnements sur la toxicité, tous ces débats sur l'utilisation à faire, toutes ces craintes, tous ces possibles dangers et dérives constituent un problème tenace et récurrent pour les nanotechnologies qui doivent encore convaincre grand nombre de sceptiques avant de pouvoir s'étendre et se développer massivement

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